bluesky
Cette vague d’annonces de départ qui ébranle [m]es réseaux sociaux présentement me laisse perplexe. Ce sont mes ami-es qui partent. C’est important de le dire : ce sont les gens de notre chambre d’écho qui partent (si tu lis ce texte, on est dans la même chambre d’écho). Ce n’est pas un mouvement multiple, commun, global : c’est une gang de progressistes qui cherchent des alternatives. Et c’est vertueux, ce l’est, je ne prétends pas le contraire. Je lève mon chapeau à ces gens qui prennent la parole, qui expriment publiquement leur angoisse devant la perte de leur réseau, la dissolution de leur univers social virtuel. Tout ça en acte de résistance, pour nommer son insatisfaction devant une distribution inégale des richesses. C’est noble, cette lutte. Les gens qui la mènent aussi, ce sont mes ami.es, ce sont des artistes, littéraires, poètes et troubadours. Des camarades dont je respecte les idées et le militantisme. La cause est noble. Comme vouloir sauver la planète. La cause est noble, mais les moyens sont risibles. Je ne voudrais pas écrire un billet qui varge sur la vertu, mais j’ai quand même l’impression d’être en train d’écrire un billet qui bache sur les gens qui font du compost. Of fucking course c’est nice le composte, on fait bien de faire du compost, mais sincèrement, la gangrène est pognée bin plus fort que ça. Des fois ça m’arrive d’être vraiment à boutte, épuisé t’sais, de tout, de la vie, d’une mauvaise nouvelle, de rien, juste de la fatigue, pis des fois – je me sens très mal de le dire – très rarement, je ne lave pas un pot avant de le mettre à la récup. Pis des fois, parce que j’ai été brainwashé par Alaclair Ensemble, pour mettre du respect dans mon bac, à la place de faire chier les employés du centre de tri, je mets mon pot sale directement dans la poubelle. Pis je me sens mal. Ça vient me pogner dans les tripes. Des fois, même, après avoir commis l’acte irrémissible, même épuisé, je sors mon contenant souillé de la poubelle, je le nettoie pis je le mets à la récupération. Pourtant, un seul pot de beurre de peanut, dans la marée de déchets générés par notre société, c’est négligeable. Absolument négligeable. En cachette y’a des trucks de récupération au complet qui se ramassent au site d’enfouissement parce que les centres de tri manquent de capacité.
On est toute une génération à penser que nos actions individuelles ont de l’impact. Je soupçonne que c’est en partie à cause des campagnes publicitaires des pétrolières multinationales au début du siècle qui nous ont confiées à nous, humbles citoyens, le devoir de sauver la planète en réduisant notre empreinte carbone. On est devenus névrosés de notre impact. Combiné à notre syndrome de personnage principal global, on est toute une génération à penser pouvoir faire une différence (dans l’ombre ou pas).
Je vais le dire plus frontalement : l’anxiété que vous provoque votre départ de Facebook est vaine. Si jamais ça marche, si jamais les gens progressistes et visionnaires, les artistes, mes ami.es, partent et que ça créer une mouvance, comme quelque chose de l’underground qui devient mainstream, si adopter Bluesky devient mainstream (comme le voudraient un peu secrètement les gens qui partent et qui le disent pour un peu influencer les gens de partir avec elleux pour ne pas être tout seul du côté du ciel bleu) et que tout le monde part vraiment, ils vont acheter Bluesky. Punto. Bluesky et toutes nos informations. Ils vont changer les algorithmes, ils vont bannir des gens et des mots, ils vont mettre de l’avant le discours qui les fait briller. Le fasciste a acheté Twitter. Zuck a barré nos médias de sa plate-forme pis se pavane avec le gros monsieur orange pour closer un deal avec ByteDance. Le cash permet de contrôler le narratif et contrôler le narratif leur permet de rester au top. Vous pouvez migrer sur Bluesky, j’irai aussi, mais il ne faudrait surtout pas penser que ça change quoi que ce soit. Ça va changer fuck all, mais je comprends l’importance de la symbolique. On va aller sur Bluesky pis fermer nos comptes Amazon Prime en se répétant qu’acheter c’est voter. Le seul problème c’est que voter, ça sert à rien quand y’a pu de démocratie.
Bon mercredi, le chums.